EDITO – THIERRY SAUSSEZ, CRÉATEUR DU PRINTEMPS DE L’OPTIMISME

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LA VIE EST BELLE A PROPORTION QU’ELLE EST FÉROCE

Vous vous souvenez peut-être du magnifique film d’Alain Corneau “Tous les matins du monde”,  dans lequel Jean-Pierre Marielle prononce ces mots dont nous pouvons faire la devise des optimistes lucides. À l’opposé des optimistes béats, qui pensent que tout va toujours pour le mieux, nous savons que l’on ne mesure le bonheur qu’après avoir traversé des épreuves et le succès qu’en ayant aussi connu des échecs.
Le Covid 19 est féroce. Il attaque, déroute, affaiblit et tue. Et peut-être, plus encore, il crée l’effroi et l’anxiété.
Dès lors, pour garder notre équilibre, évitons de voir seulement ce qui est triste et effrayant. Orientons notre regard vers ce qui est beau, positif dans cette crise.

Nous changeons notre comportement, nous progressons dans la mise en œuvre de gestes barrières qui vont durer, nous protégeons les autres avec les masques. Nous découvrons tous ces héros du quotidien, des professionnels de santé aux hôtesses de caisse, des commerçants aux éboueurs, des personnels communaux aux bénévoles si nombreux. Nous refaisons société autour des grandes valeurs positives.
Nous exprimons notre gratitude comme tous les soirs à 20h. C’est un enjeu collectif qui nous relie aux autres et fait monter en nous les hormones et neuromédiateurs positifs pour créer un climat de mieux être et de sécurité.
Nous pratiquons la bienveillance qui n’est pas utopique mais réaliste. Le monde qui nous entoure est connecté, interdépendant. Nous prenons mieux conscience que sur tous les plans, nous sommes affectés par les dysfonctionnements, les crises, les difficultés de ceux qui sont menacés ou en galère, nos négligences a l’égard de la planète qui a mieux respiré durant notre confinement.
Nous développons l’engagement en délaissant la théorie de l’individu replié sur lui-même, dans un égoïsme croissant et l’abandon des solidarités les plus élémentaires. S’affirmer individuellement ne veut plus dire que l’on cesse d’être avec les autres. 
Nous nous transcendons. Ce dépassement intègre évidemment la spiritualité dans sa version religieuse mais l’étend à sa dimension laïque. C’est l’idée de La belle vie qui nécessite de donner un sens à notre existence, d’accrocher notre char à une étoile, de n’être jamais aussi grand qu’en servant des causes qui nous dépassent.

Alors, bien sûr, les pessimistes rétorqueront que nous sommes toujours aussi râleurs, jamais contents, attendant toujours tout de l’Etat sauf quand on reçoit ses impôts, critiquant les pouvoirs publics quand ils en font trop…ou pas assez.
J’ai toujours été assez sceptique sur la réalité de cet oxymore tricolore : 80% des Français se déclarent plutôt heureux dans leur vie personnelle et 80% constituent collectivement le peuple le plus pessimiste du monde. Cherchons l’erreur. L’opinion sublime la confiance dans la sphère de proximité, la famille, les proches, le local. Et déprime volontairement la confiance dans l’univers collectif en en faisant le réceptacle de ses frustrations, mécontentements et revendications. Comme disait Jules Renard, ce n’est pas le tout d’aller bien, mieux vaut que les autres aillent mal. En noircissant le monde qui nous entoure, nous valorisons nos performances individuelles.

Il est possible que cette crise réduise l’écart exagéré entre satisfaction personnelle et défiance collective en nous faisant réaliser que la somme de nos bonheurs individuels est une force, que la France est une chance, notre identité, notre sentiment d’appartenance, notre fierté. À condition de continuer à dépasser ces trois ressorts négatifs de l’exagération des risques et des souffrances, de la victimisation, de la recherche de boucs émissaires. Alors nous donnerons raison à Albert Camus quand il écrivait dans le mythe de Sisyphe « c’est au cœur de l’hiver que j’ai découvert que j’avais en moi un invincible été ».